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Les Basques qui vivent actuellement aux États-Unis savent que le Diocèse de Bayonne, en France, a envoyé pendant des années des missionnaires basques afin de pourvoir à leurs différents besoins spirituels. Ces prêtres contribuent depuis 1961 à la perpétuation de la culture basque en Amérique. L’évêque de Bayonne commença à envoyer des missionnaires après la disparition, en 1958, du père Charles Espelette, un moine bénédictin qui pourvoyait aux besoins spirituels des Basques américains à partir d’un vieux monastère situé à Montebello, en Californie. Mais combien de personnes savent aujourd’hui que le père Espelette était un moine bénédictin envoyé à Montebello par l’Abbaye du Sacré-Cœur, située au milieu du territoire indien de l’Oklahoma, et qu’il était l’un des derniers membres d’une communauté monastique qui comptait environ 50 moines, frères, ecclésiastiques et religieuses basques qui dépendirent de l’Abbaye du Sacré-Cœur entre 1881 et 1966 ? La communauté d’Oklahoma fonda en 1905 un monastère en Californie du Sud dans le but précis de pourvoir aux besoins de la population basque vivant dans les États de l’Ouest. Les pages qui suivent décrivent l’arrivée de cette communauté de bénédictins basques en Oklahoma, l’extension de leurs activités en Californie et leurs différentes contributions aux communautés religieuses et éducatives qu’ils ont servies ainsi qu’aux familles basques résidant en Amérique. Ce récit prétend reconstituer l’histoire de ces serviteurs anonymes et raviver la mémoire de leur engagement envers la culture basque d’Amérique.
Fr. Espelette, monastère à Montebello.
Certains historiens basques ont fait référence à ces moines bénédictins, mais leurs commentaires étaient incomplets et ont été mal interprétés. En 1894, un journal basque de Los Angeles, California’ko Eskual Herria, publie une série d’articles sur « un groupe de prêtres basques qui avaient fondé une mission sur le territoire de l’Oklahoma » (Douglass 1975). L’année suivante, le même journal reproduit un article d’un prêtre français qui « blâmait la colonie californienne de ne pas avoir fait le nécessaire pour s’assurer les services d’un aumônier basque » (Douglass 1975). En 1910, Pierre Llande, dans L’émigration basque, évoque le fait que l’évêque Conaty de Los Angeles avait demandé à l’évêque de Bayonne d’envoyer des missionnaires et que ceux-ci étaient parvenus à construire un monastère à Montebello (Llande 1910). Ceci dit, Llande ne mentionne pas le rôle de l’Abbaye du Sacré-Cœur dans son ouvrage. La seule référence à ces missionnaires, incluse dans l’ouvrage Les Basques dans L’Ouest Américain, d’Adrian Gachiteguy, est le fait que le « père Gariador, résidant à Los Angeles » avait été prié de prêter assistance aux Basques de Buffalo, dans le Wyoming, pour célébrer la fête de l’Assomption en 1918 (Gachiteguy 1955). En 1918, le père Gariador réside à Oklahoma et aucune mention n’est faite du Sacré-Cœur. Dans Amerikanuak, Douglass et Bilbao ne citent pas le groupe et ne lui consacrent que deux paragraphes soit parce qu’ils considèrent que son histoire ne mérite pas davantage, soit parce qu’ils ignorent le rôle majeur que joue ce groupe au sein de la vaste communauté basque. Plus récemment, en 1998, Nancy Zubiri signale dans A Travel Guide to Basque America que les pères Espelette et Gariador ont servi tous les deux dans l’église du Mont-Carmel à Montebello, mais elle n’évoque pas l’existence d’une communauté bénédictine basque plus étendue.
Pratiquement à la même époque que Amerikanuak, le père Joseph F. Murphy publie en 1974, Tenacious Monks - The Oklahoma Benedictines, 1875-1975: Indian Missionaries, Catholic Founders, Educators and Agriculturists. Ce récit évoquant en détail 100 ans d’existence de l’Abbaye du Sacré-Cœur relate l’histoire de cette communauté monastique à laquelle appartient ce contingent basque. Bien que Amerikanuak reste le principal ouvrage publié sur l’histoire basque en Amérique, il semble que Douglass et Bilbao, à l’instar des autres auteurs, n’aient pas eu connaissance des détails de l’histoire hautement singulière qu’a connue la communauté bénédictine basque au Sacré-Cœur.
L’histoire de l’Abbaye du Sacré-Cœur débute en 1875 lorsque deux Français, le père Isidore Robot et le F. Dominique Lambert, s’installent dans le monastère d’Oklahoma en tant que membres d’une communauté bénédictine européenne appelée la Congrégation de la Primitive Observance. Cette congrégation dirigeait une série de monastères en Europe et souhaitait développer ses activités missionnaires auprès des populations indiennes. Pendant plusieurs années, le Père abbé de la Congrégation enverra des représentants en Amérique afin de chercher l’endroit adéquat où fonder un monastère bénédictin. En 1875, ils décident de construire leur monastère dédié aux règles de saint Benoît près de Konawa, sur le territoire d’Oklahoma, qui est habité par des groupes d’Indiens Potawatomi. Les congrégations protestantes sont très présentes dans ces régions et cette aventure est la première du genre qu’entreprend l’Église catholique à cet endroit. L’abbaye est édifiée avec l’aide de la Préfecture du Territoire indien et de l’évêque de Little Rock (Arkansas), qui est responsable des paroisses catholiques régulières de la région. Ceci dit, un des principaux obstacles que rencontre l’installation du monastère est la difficulté d’attirer du personnel religieux sur ce territoire désolé.
Pendant ce temps, en France, après la chute de Napoléon III en 1871, le gouvernement séculier adopte des politiques et des lois anticléricales qui obligeront les organisations religieuses à vivre pendant de longues années dans des situations très précaires. De nombreuses communautés sont obligées de fermer leurs portes obligeant leurs moines à s’exiler dans d’autres pays pour échapper à la répression. Les Abbayes de St. Pierre-qui-Vire dans le département de l’Yonne, et de Belloc, au Pays basque français, sont deux cas concrets de monastères qui enregistrent des pertes de personnel pendant les répressions anticléricales. Ces deux monastères attiraient de nombreux jeunes ecclésiastiques basques souhaitant poursuivre leur vie dans un cadre religieux. Les exilés basques se dirigeront dans un premier temps vers des monastères en Angleterre, en Irlande et en Écosse, puis, constatant le manque de place ou de ressources, se dirigeront finalement vers l’Oklahoma. C’est ainsi que le mouvement anticlérical lancé en France sera à l’origine de l’apport de la main d’œuvre nécessaire à la mission entreprise par le père Robot en Amérique.
Le premier Basque qui rejoint l’Oklahoma est le père Gabriel Arreguy, qui arrive en 1881 avec un petit groupe de cinq personnes, mais retourne en France l’année suivante. Il se peut que son retour à Belloc ait encouragé d’autres Basques de Belloc à se rendre en Oklahoma.
Fr. Thomas Duperou.
Le premier Basque qui résidera un certain temps en Oklahoma est le père Thomas Duperou, originaire de Ciboure, en France. Il suit sa formation et prononce ses vœux à St. Pierre-qui-Vire. En 1875, il s’associe à un autre Basque, le père Augustin Bastres, pour fonder une nouvelle dépendance à Urt, en France, appelée Notre-Dame de Belloc. Le père Bastres reste à Belloc en qualité de Père abbé, tandis que le père Duperou se rend dans différents monastères européens à la recherche d’une place pour accueillir les jeunes exilés basques. Il finit par trouver un site monastique à Buckfast, en Angleterre, et y fonde en 1882 un nouveau monastère dont il exercera la fonction de Supérieur jusqu’en 1884. Il cause une telle impression à ses supérieurs que le Père abbé de la Congrégation lui demande de se rendre en Oklahoma afin de diriger la mission sachant qu’il est extrêmement difficile de mettre en œuvre les rituels monastiques sur ce territoire. Il semble que ce déplacement en Oklahoma incitera beaucoup d’autres Basques à faire le même voyage. Il jouit d’un grand prestige en dirigeant le Sacré-Cœur durant ses premières années d’existence et deviendra le premier Père abbé du monastère en 1896, une année avant sa mort.
Quatre autres Basques arrivent au Sacré-Cœur en 1888 suite aux efforts de recrutement réalisés par le père Duperou. Il s’agit du père Leo Gariador, de deux ecclésiastiques, Hippolyte Topet et Guillaume Ospital, et du frère convers François Touron. Les deux ecclésiastiques sont ordonnés prêtres l’année suivante par l’évêque de Kansas. En 1889 également, le père Duperou retourne en France d’où il ramènera quatorze missionnaires. Ce contingent basque comprenait les candidats à entrer dans l’Ordre, Placide Harismendy et Gratian Ardans, les frères Martin Larran, Théodore Ayzaguer, Justin Belza et Casamir Etchechury, ainsi que quatre sœurs bénédictines, Gabrielle Ospital, Eurosie Ospital, Joséphine Irigoyen et Anselme Haran. En 1893, le père Bastres rend visite au Sacré-Cœur accompagné de neuf personnes : le père Blaise Haritchabalet, les ecclésiastiques Clement Dupont et Ildefonse Ellisalde, et deux frères convers, Florentio Ramirez et Thomas Zurutusa. D’autres séminaristes, parmi lesquels Aloysius Hitta et Vincent Montalibet, arriveront avant 1896. Le registre officiel du Sacré-Cœur en 1896 comprenait 17 prêtres dont bon nombre était originaire du Pays basque (Murphy 1974).
Au tournant du siècle, les bénédictins de l’Abbaye du Sacré-Cœur ont construit une série de structures comprenant le monastère, les pièces d’habitation, un couvent et une école. Ils enseignent leur savoir aux enfants de la région dans l’école des garçons du Sacré-Cœur, tandis que les filles fréquentent l’école St Mary’s Academy. Le clergé du Sacré-Cœur cède également certains de ses prêtres pour qu’ils prêtent assistance dans différentes paroisses de la région. Ils cultivent la terre et obtiennent leurs propres récoltes et fruits qui sont destinés à leur alimentation. Ils constituent désormais une communauté monastique tout à fait autosuffisante.
Fr. Leo Gariador.
Dans les années 1890, les missionnaires basques entreprennent une série d’expéditions exploratoires au départ de l’Oklahoma afin de visiter les différents établissements de Basques dans l’Ouest américain. Des documents attestent que ces expéditions ont été menées par les pères Leo Gariador, Gratian Ardans et Hippolyte Topet. En 1905, les pères Gariador et Ardans, qui sont des cousins germains originaires d’Aldude (France), arrivent en Californie du Sud dans l'intention de fonder un monastère bénédictin permanent. Ils s’installent d’abord dans la région de Tehachapi, puis estiment que Montebello serait un site plus adéquat. Ils sont invités par l’évêque Thomas Conaty, dans une lettre qu’il adresse au père Gariador le 22 mars 1906, à « fonder l’Ordre à Montebello, en Californie, moyennant la condition expresse qu’ils se chargent d’abord de veiller aux intérêts spirituels des Basque dans tout le diocèse… ensuite d’exercer des droits quasi-paroissiaux sur Montebello, Newmark, Rowland et Puente… » (Murphy 1974). Le père Gariador achète immédiatement quelque 20 hectares à Montebello au nom de la communauté et entreprend la construction de la chapelle originale et des pièces d’habitation.
Sachant que l’évêque a confié aux moines la double mission de réaliser des tâches missionnaires parmi les Basques et des activités dans les paroisses locales, le père Ardans reste en Californie du Sud pour s’occuper des paroisses locales, tandis que le père Gariador assume le rôle du missionnaire itinérant. Les journaux du père Gariador signalent que, pendant les années 1905-1909, ce dernier visitera de façon intensive les Basques établis en Californie du Sud et se rendra également en Californie du Nord, au Nevada, en Utah, en Idaho, au Montana, en Oregon et au Wyoming. Différentes rubriques de ses journaux évoquent les familles auxquelles il rend visite ainsi que le nombre de Basques qui assistent à la messe et/ou vont se confesser. Il manifeste sa reconnaissance aux personnes qui se sont montrées généreuses comme, par exemple, les Bastanchury de Fullerton et les Goytino de Lancaster. En 1909, le père Gariador est nommé Prieur administrateur de l’Abbaye du Sacré-Cœur et est rappelé à Oklahoma pour exercer ces nouvelles fonctions.
Bibliographie :
Douglass, William A. and Jon Bilbao (1975) Amerikanuak: Basques in the New World, Reno Nevada: University of Nevada Press.
Gachiteguy, Adrian (1955) Les Basques dans L’Ouest Américain, Bordeaux.
Diaries of Father Leo Gariador, OSB, 1888-1936.
Llande, Pierre (1910) L’émigration basque, Paris.
Murphy, Joseph F. (1974) Tenacious Monks - The Oklahoma Benedictines, 1875-1975: Indian Missionaries, Catholic Founders, Educators and Agriculturists, Shawnee Oklahoma: Benedictine Color Press, St. Gregory’s Abbey.
Otoizlari (1987), Urt, France: Editions Ezkila, Notre Dame de Belloc, No. 124 April/June 1987.
Zubiri, Nancy (1998) A Travel Guide to Basque America: Families, Feasts & Festivals, Reno, Nevada: University of Nevada Press.